Une vraie frénésie du bio a saisi les consommateurs. Avec près de 500 nouveaux viticulteurs passés au vert chaque année, la production de la viticulture biologique explose.
Depuis une quinzaine d’années, des études alertent régulièrement le grand public sur l’usage massif de produits chimiques dans la viticulture. Une enquête de l’association Générations futures a par exemple avancé que le raisin serait le fruit contenant le plus de résidus de pesticides : 89% des échantillons étudiés durant cinq ans étaient contaminés.
Les limites des labels bio : Le bio a donc le vent en poupe, mais tout est-il rose au royaume du vert ? Pas tout à fait. La présence de la petite feuille verte étoilée sur l’étiquette garantit certes que le viticulteur n’a pas utilisé de produit chimique de synthèse, mais certains vignerons plus bio que bio, qui réfutent le cahier des charges du label (ou refusent de payer pour l’obtenir), ne l’affichent donc pas sur leurs bouteilles, tandis que d’autres viticulteurs, dûment estampillés bio, n’ont pas toujours des pratiques durables.
Car si le label bio opère un premier et salutaire écrémage, ses garanties ne sont pas encore suffisantes aux yeux de beaucoup de professionnels. Isabelle Legeron, dans son ouvrage Le Vin nature, rappelle que plus de cinquante additifs et autres auxiliaires de fabrication sont autorisés en bio. Se revendiquer de l’agriculture biologique n’empêche pas non plus la mécanisation à outrance, l’usage du cuivre (un métal lourd néfaste aux sols) ou de matières plastiques et de matériels peu durables… S’il n’est évidemment pas question de remettre en question le label, il faut juste en connaître les limites.
Quant aux vins « nature », qui ne sont régis eux par aucun label ni cahier des charges, ils ne sont généralement ni filtrés ni clarifiés et souvent consommés rapidement. Ce qui est plutôt prudent (!), car leurs défauts, notamment une désagréable odeur de ferme ou d’écurie, seraient dus à un manque de stabilité et d’hygiène, conséquence d’une absence de soufre mal maîtrisée. Au goût, toujours selon leurs détracteurs, ils ressembleraient plus à du jus de fruit, souvent oxydé, qu’à du vin. Un discours qui agace Jean-Baptiste Sénat, vigneron installé depuis vingt ans dans le Minervois, et sa femme Charlotte, fondatrice du salon Le Vin de mes amis. Comme tous les militants des vins naturels, ils veulent que « le vin soit du vin, pas un produit bodybuildé, standardisé », rapporte Olivier Le Naire, et qu’il ne fasse pas mal à la tête après deux verres parce qu’il est « gavé de soufre ». Dont acte.
Reste que, aujourd’hui, si le camp des conventionnels se taille encore la part du lion en termes de consommation, les bio ont déjà gagné la bataille de la communication. Des figures emblématiques du vin nature de qualité, on en compte de plus en plus, comme Nicolas Joly en Anjou, Pierre Overnoy dans le Jura, Marcel Richaud dans le Rhône ou Lionel Gauby dans le Roussillon, sont désormais des stars du mondovino, non seulement en Europe, mais aussi à New York et à Tokyo. Et les rappeurs noirs américains, après avoir relancé le cognac, se sont entichés des quilles « nature » et le font savoir. La production pourra-t-elle suivre ?
Reconnaitre les Labels :
NATURE
Le vin nature (ou naturel ou sans sulfites) est le Graal du viticulteur bio qui souhaite fabriquer un produit sans aucun intrant, ni technologie ni filtrage ni, si possible, aucun soufre. Mais gare ! La mention vin « nature » ou « naturel » étant interdite, n’importe quel vigneron peut se proclamer « nature ». Or travailler sans sulfites ni additifs et, souvent, sans thermorégulation suppose une hygiène bien plus rigoureuse qu’en conventionnel. Éviter les déviances trop criantes réclame aussi beaucoup de sérieux, de métier et une présence quotidienne au chai. Les vins dits « nature » pouvant relever autant du génie que de l’arnaque, il faut avoir une totale confiance en celui qui le vend.
BIO
Les vins qui affichent le logo bio européen sont certifiés par un organisme de contrôle indépendant, qui garantit que raisin et vin sont sans produits chimiques de synthèse avant et après récolte. Les vins rouges ne peuvent contenir plus de 100 mg de sulfites par litre. Certains adjuvants sont interdits. Ce label est souvent accompagné, en France, de l’ancien label ab (Agriculture Biologique) qui répond aux mêmes normes, même s’il n’a plus, en principe, d’existence légale.
BIODYNAMIE
La biodynamie est un système de production qui entend respecter l’équilibre entre la plante, le sol et l’environnement, en tenant en compte des rythmes lunaires et planétaires, selon les principes énoncés par Rudolf Steiner. Avant d’être labellisé par Demeter ou Biodyvin (organismes privés), le vin doit être certifié bio, puisque les normes à respecter en biodynamie sont plus strictes, notamment en ce qui concerne l’usage du soufre (pas plus de 70 mg par litre) et du cuivre-métal (pas plus de trois kilos par hectare et par an). La charte de vinification, d’élevage et de mise en bouteille limite l’usage des intrants et de la technologie.
VEGAN
Aucune certification ne s’est pour le moment imposée. Que ces vins soient bio ou conventionnels, la mention vegan signifie qu’ils ont été élaborés sans intrant d’origine animale, tel le blanc d’œuf pour le collage, ni recours au travail d’animaux domestiques, comme le cheval pour le labour.